Les modifications de fiches de poste justifient-elles le recours à une expertise pour aménagement important ?
Le CHSCT doit être consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de travail. A cette occasion, il peut demander à recourir à un expert lorsqu’un projet important modifie les conditions de travail (C. trav. L. 4614-12).
Remarque : un projet d’aménagement important se définit comme modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail qui implique notamment une transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, ou encore une modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail (C. trav., art. L. 4612-8-1)
Modification supposée des conditions de travail
Dans cette affaire, une grande enseigne de vente de vêtement et de chaussures a décidé de modifier les fiches de postes d’un certain nombre de salariés : Directeurs de magasins, Adjoints de direction de magasin, Conseiller de clientèle... Le CHSCT du périmètre Nord de la société a comparé les anciennes fiches de poste aux nouvelles litigieuses et considère que la nouvelle formulation des tâches à accomplir modifierait les conditions de travail des salariés. Exemples :
- la modification de la fiche de poste de « directeur de magasin » passe de « gestion administrative » à « améliorer la performance et la rentabilité du magasin » ce qui, selon le CHSCT, engendrerait une augmentation de la pression vécue par les salariés dans un contexte économique défavorable.
- les fonctions de « directeur commercial » se voient également redéfinies avec des précisions sur les tâches à effectuer au sein de leur nouvelle fiche de poste tel que « garantir le climat social du magasin » ou encore « garantir la mise en œuvre du plan d'actions commerciales » ce qui, toujours selon le CHSCT, engendrerait un changement déterminant des conditions de travail.
Les membres du CHSCT ont voté le recours à une expertise, mais la société a saisi le président du tribunal de grande instance pour faire annuler cette délibération.
Absence de preuve
Le tribunal de grande instance estime que le CHSCT n’apporte pas « la preuve que ces reformulations de fiches de postes modifieraient de manière substantiellement importante les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, en termes d'intensification des charges de travail, qu’elles n’avaient aucune incidence sur la rémunération, les titres de fonctions ou de métiers, la discipline, la responsabilité ainsi que les horaires ou les conditions de travail ».
La Cour de cassation valide cette décision qui est tout à fait applicable au CSE. Elle a même précisé que les fonctions énoncées dans les fiches de postes (qu’elle prend le soin de reprendre) étaient « totalement inhérentes » et apparaissaient « non moins conformes » aux postes occupés.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 mars 2019, n° 17-17.605.